Les cas ne sont pas légion. Mais, il n’est pas exclu que vous vous trouvez, un beau jour, face à une situation à laquelle vous n’étiez pas préparés !
Suite à des absences répétées d’un de vos salariés, vous venez de découvrir que le concerné est détenu provisoirement pour des faits délictueux. A ce stade des informations recueillies, vous vous posez moult questions : devez-vous immédiatement rompre son contrat de travail ? pour quel motif ? Quelle est la procédure à respecter ? Que faire si le salarié est finalement condamné à une peine ferme d’emprisonnement ? Quels sont les risques pour l’entreprise ?
Si les faits délictueux sont commis sur le lieu du travail et durant le temps de travail, au préjudice de l’employeur, vous êtes en droit de licencier le salarié pour faute lourde rendant impossible la poursuite de la relation contractuelle ou tout simplement pour perte de confiance.
Toutefois, il en est autrement lorsque les faits reprochés relèvent de la vie privée du travailleur : l’article L 70 alinéa 9 du Code du Travail est sans équivoque sur le sort du contrat de travail en cas de détention préventive du travailleur. En effet, ce dernier bénéficie, durant la période de détention, de la protection du législateur et du juge, sous réserve du respect de certaines conditions.
1. Que peut faire l’employeur en cas de détention préventive du travailleur ?
Le principe est clairement énoncé par l’article L70 alinéa 9 du Code du Travail : la détention préventive suspend le contrat de travail. Par conséquent, l’employeur ne peut mettre fin au contrat de travail du travailleur durant sa période de détention, en raison de la présomption d’innocence dont il bénéficie.
Pour pouvoir bénéficier des dispositions de l’article L 70 alinéa 9 précité, encore faudrait-il que le travailleur ait pris le soin d’informer l’employeur de son absence. Le travailleur est ainsi tenu de délivrer à son employeur une double information : il doit l’informer de sa durée prévisible d’absence et du motif de son absence. Il doit clairement préciser à son employeur qu’il est sous les liens de la détention.
- Quelles sont les obligations des parties durant cette période ?
La suspension du contrat de travail (CDD ou CDI) correspond à une situation où l’exécution des obligations essentielles du contrat par les parties n’est plus assurée.
En principe, l’inexécution de la prestation de travail par le salarié fait disparaitre l’obligation pour l’employeur de le rémunérer, sauf dispositions légales ou conventionnelles prévoyant le maintien du salaire, comme en cas d’absence pour cause de maladie.
Nous pouvons considérer que le salarié conserve le bénéfice des droits acquis, avant la suspension de son contrat de travail. La durée de sa détention n’est pas prise en compte dans le calcul de son ancienneté.
Pendant la période de suspension du contrat de travail pour quelque motif qu’il soit, de même qu’en cas de détention préventive, le salarié reste tenu des obligations de discrétion et de loyauté envers son employeur.
La suspension du contrat de travail n’exclut pas la démission : il est libre au travailleur détenu de démissionner, dès lors qu’il en informe l’employeur par écrit. Certes, il ne pourra observer un délai de préavis du fait qu’il n’est pas en mesure de travailler, mais, il aura droit au paiement de sa rémunération si elle n’avait été réglée au jour de sa détention, outre le paiement de son indemnité compensatrice de congés. L’employeur veillera à mettre à sa disposition son certificat de travail.
- Quid du retour du travailleur en entreprise après une courte détention préventive?
S’il est relaxé au bout d’une courte période de détention (dans un délai raisonnable), le salarié effectue son retour au sein de l’entreprise. Il doit pouvoir retrouver l’emploi qu’il a quitté ou bien un emploi équivalent. Dans cette seconde hypothèse, le travail proposé doit être adapté aux compétences de l’employé. De plus, la rémunération doit être égale ou supérieure à celle qu’il percevait avant la suspension du contrat. Sous peine d’engager sa responsabilité, l’employeur ne peut faire obstacle au retour du salarié au sein de l’établissement, sans un juste motif.
- Que faire en cas de longue détention préventive du travailleur ?
La loi est muette sur le sort des longues détentions préventives sur le contrat de travail et ne précise pas dans quel délai le contrat de travail reste légalement suspendu en faveur du travailleur détenu. Aussi, peut-on admettre qu’en cas de longue détention, l’employeur est libre de mettre un terme au contrat de travail lorsqu’il arrive à démontrer :
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- Que la détention préventive du salarié et par conséquent son absence au sein de l’entreprise cause un trouble dans l’organisation et le fonctionnement de la société ;
- Que la détention préventive du salarié cause un préjudice réel à l’entreprise
La preuve du licenciement incombant à l’employeur, il lui reviendra d’établir que le licenciement est dûment justifié, au regard de la fonction du travailleur, de la durée de l’absence, du poste occupé et de l’impossibilité pour l’entreprise de pouvoir le remplacer temporairement.
S’il est démontré que l’employeur pouvait facilement trouver un salarié pour remplacer le salarié détenu, le licenciement sera considéré sans cause réelle et sérieuse et l’employeur peut se voir réclamer le paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
2. Que peut faire l’employeur si le travailleur est définitivement condamné ?
Le travailleur condamné à une peine ferme d’emprisonnement est tenu d’en informer son employeur par le biais de son avocat.
Commet une faute lourde, justifiant son licenciement, le travailleur condamné à une peine privative de liberté et qui n’informe pas son employeur afin de lui permettre de prendre des dispositions pour pourvoir aux tâches qui lui étaient dévolues et assurer la continuité et la bonne marche du service. Arrêt N° 458 du 02 août 2013 Bulletin des arrêts rendus par la Cour d’Appel de Dakar en matière sociale.
« Considérant que le contrat de travail est par nature un contrat synallagmatique qui met à la charge de chacune des parties contractantes des obligations réciproques dont la principale pour le travailleur est l’exécution de la prestation de travail convenue et pour l’employeur le paiement du salaire qui en est la contrepartie ; qu’il résulte de ce qui précède que non seulement AM s’est de par sa propre faute mis dans l’impossibilité d’exécuter son ou ses obligation (s) née (s) du contrat de travail le liant à la société…..durant une période anormalement longue, mais il y a également qu’il n’a pas prouvé avoir informé à son employeur de son état de condamné à une peine privative de liberté pour lui permettre de prendre des dispositions afin de pouvoir aux tâches qui lui étaient dévolues et d’assurer la continuité du service…………. ».
Dès lors que la cause du licenciement est réelle et sérieuse, l’employeur peut enclencher la procédure de licenciement pour motif personnel et s’assurer de la liquidation des droits légaux (indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés, à l’exclusion du préavis) et de la remise du certificat de travail au travailleur emprisonné.
Conformément à la loi, s’il s’avère que la remise du certificat de travail au travailleur n’est pas possible, dans le cas d’un licenciement à la suite d’une absence prolongée (longue détention notamment), le certificat de travail est tenu à sa disposition par l’employeur.
Pour pallier tous risques de contentieux avec votre salarié s’il était licencié, assurez-vous de transmettre le certificat de travail par tout procédé ou moyen électronique permettant à votre entreprise de donner date et preuve certaines de la réception, par le travailleur détenu, du document.
Enfin, veillez à ce que le travailleur élargi et licencié reçoive l’intégralité de ses droits légaux que vous lui ferez parvenir soit par virement bancaire si sa rémunération lui était mensuellement transférée suivant un ordre irrévocable signé de sa part, soit en espèces contre décharge de sa part et remise du bulletin de paie ou solde de tout compte. En effet, n’oubliez pas qu’en cas de contestation sur le paiement du salaire, des accessoires du salaire, des primes et indemnités de toute nature, le non-paiement est présumé de manière irréfragable si votre entreprise n’est pas en mesure d’apporter la preuve du versement (registre des paiement dûment émargé par le travailleur ou les témoins sous les mentions contestées, ou le double, émargé du bulletin de paie afférent au paiement contesté ou une certification d’un établissement bancaire ou postal).
N’hésitez pas à vous faire accompagner le cas échéant.
Pour toutes informations complémentaires, n’hésitez pas à contacter le Cabinet Audifisc à assistance@audi-fisc.com